Entre jardin et espace public
La transition entre l’espace public et privé en banlieue pavillonnaire nous a beaucoup interrogée depuis notre arrivée à Vancouver. Les rues sont des quadrillages parfaits, alternant rue et back alley.
La back-alley n’a ni nom ni numéros. Elle sert principalement à accéder à son garage et déposer ses poubelles les jours de collecte. Si on s’y promène, outre les odeurs peu alléchantes, on y voit sans vergogne entreprosées épaves, bric à brac et décombres, avec occasionnellement une culture de légumes. Pas de trottoir ici, on marche sur la route, et on voit ce que les gens font de leur vie sans retenue, la vraie vie dans toute son désordre.
La devanture par contre, est toute focalisée sur l’apparence qu’on va donner à son voisin. Les maisons ont toutes un petit jardin devant, qui donne sur un gazon traversé d’un petit chemin en béton qui tient lieu de trottoir, qui donne sur la route. Les rues les plus prestigieuses et larges, avec les plus belles maisons ont les gazons les plus profonds avant d’atteindre le jardin, les plus modestes se contentent d’un mètre de pelouse arborée entre le trottoir et la route.
Ce qui nous a le plus surpris, c’est que cette partie du gazon, bien qu’exclue du jardin par un occasionnel muret, grille ou une haie, semble faire partie d’un espace public imposé, que l’habitant entretien et s’approprie comme bon lui semble.
On trouve dans les espaces les plus modestes des personnalisations minimales, comme cette cabane de gnome installée dans un des arbres le long de la rue.
Les allées les plus extravagantes alternent les pelouses bien entretenus d’un vert sans faille avec des jardins de gravier zen, d’herbes folles savamment choisies, de gazon japonais, et parfois, en de rares occasions, de bosquets de fleur odorantes tout autour du passage.
On voir clairement la limite entre chaque terrain avancer jusqu’à la route. Qui a planté du treffle, qui d’autre une pelouse d’un vert profond. Qui arrose régulièrement et qui laisse les brindilles brunir.
Quatre teintes de pelouse devant quatre habitations
Et alors gare à celui qui ne tond pas sa pelouse, il défigure le paysage de chacun. Car oui, point de murspour bloquer la vue.
On apprécie la largeur de la rue et son vis à vis. En France, je n’aurais pas imaginé voir quelque chose de similaire, on s’empresserait de faire pousser des ciprès le plus haut possible ou de construire un mur de 2m pour protéger on terrain et s’isoler de ses voisins. Ici, le jardin ne semble pas un espace privé de vie mais une expression de sa réussite sociale peut être, ou de son absence d’intérêt pour l’afficher superficiellement ainsi.